Sur les 118 microbrasseries existantes au Québec, seule une poignée a fait le choix de se structurer en coopérative. Parmi ces sept coopératives existantes, quatre ont été créées en 2012-2013 et trois autres coopératives brassicoles prévoient ouvrir leurs portes en 2014. En comptant ces nouveaux joueurs à venir, on peut dire que depuis 2012, les coopératives brassicoles sont en pleine explosion! Entreprise privée, coopérative de solidarité, coopérative de travail… deux nouvelles coopératives nous parlent de leur parcours, des avantages et des défis de leur incorporation juridique.

Microbrasseries en milieu rural, restauration avec des produits locaux, lieux communautaires et culturels, bonne réponse de la clientèle… la Microbrasserie de Bellechasse et Le Baril Roulant à Val-David (Laurentides) ont un peu le même profil. Par contre, l’évolution de leur structure juridique va dans deux directions opposées.

Du privé vers la coopérative de solidarité

Gabriel Paquet a été propriétaire fondateur de la microbrasserie Le Corsaire à Lévis en 2008. Un an après l’ouverture de sa brasserie, il vendait ses parts et quittait l’entreprise par manque de vision commune avec son associé. Quatre ans plus tard, il démarre une autre microbrasserie à Buckland, dans Bellechasse…. mais dans un contexte très différent. «L’idée de départ, c’est d’utiliser la microbrasserie et le pub comme moyen de dynamiser notre communauté tout en créant des emplois de qualité, de dire l’ancien brasseur. La coopérative de solidarité est très intéressante, car c’est un projet collectif qui permet d’impliquer le plus de monde possible.»

Dans cette coopérative de solidarité, il y a trois types de membres: les membres de soutien (20$), les membres travailleurs (1 500$) et les membres producteurs (200$).

Actuellement, il y a 170 membres de soutien, 4 membres producteurs (de produits locaux), 7 membres fondateurs-travailleurs et un membre auxiliaire. Les employés peuvent travailler sans être membres, comme c’est le cas pour les emplois d’été. «Avant de devenir membre, il faut faire un certain nombre d’heures de travail. Si la personne n’a pas la somme de 1 500$, on peut faire des prélèvements sur sa paye pendant plusieurs mois », explique Gabriel Paquet.

Lorsque la situation de la coopérative sera plus confortable financièrement, les membres travailleurs auront droit à un pourcentage des profits en fonction du nombre d’heures investies.

Une mise de fonds apportée par les membres

Lorsque Gabriel Paquet compare ses deux expériences de microbrasserie, celle de Buckland lui semble beaucoup plus facile, entre autres pour le côté financier. Les coûts du projet étaient de 255 000$, ce qui inclut l’achat du lieu de fabrication et de dégustation (l’ancienne Caisse Desjardins) et tout l’équipement pour le restaurant et la brasserie.

«Les 100 premiers membres de soutien ont adhéré à la coopérative pour 100$, ce qui nous a permis de récolter notre mise de fonds, explique-t-il. En étant dans le secteur de l’économie sociale, on a pu avoir accès au fonds de diversification économique. À la campagne, les coûts sont moins élevés, il y a donc moins de pression pour rentabiliser le projet.»

La coopérative de travail remise en question

C’est une tout autre histoire pour Patrick Watson et Sonia Grewal, fondateurs de la Microbrasserie Le Baril Roulant, en 2012. «Lorsqu’on a fait notre plan d’affaires, on a tout de suite été séduits par la formule de la coopérative de travail et ses valeurs.»

Mais deux ans après le démarrage, le couple fondateur remet en question le choix de la coopérative. «Notre projet va très bien… c’est la structure juridique qui ne va pas bien! Nous envisageons de démanteler la coopérative pour devenir une entreprise privée. Nous qui étions si fiers de notre formule coopérative… c’est un peu comme un échec», témoigne Sonia Grewal, qui cherche aussi à comprendre comment les choses ont dérapé.

«Au démarrage, c’est vraiment un projet de couple. Nous avons eu de l’aide temporaire de nos amis, mais personne pour s’impliquer de façon durable. Nous avons une quinzaine d’employés, mais aucun ne souhaite devenir membre travailleur (part de 3 000$). Lorsqu’on est membre, on se creuse la tête pour chercher du financement tout le temps, ce qui n’est pas le cas d’un employé. D’un autre côté, on a eu peur de perdre le contrôle du projet et de notre vision.» Résultat : plus de pression sur le couple fondateur et l’impression d’être tout seuls dans le bateau contre tous. «On se couche le soir avec les soucis. Le matin, les employés, eux, veulent leur paie. Et c’est normal! Dans cette histoire, il n’y a pas de bons et de méchants, c’est juste une situation qui a mal virée.»

Elle suggère donc aux futures coopératives, surtout si celles-ci incluent un couple, d’être au moins trois ou quatre personnes dans le projet. «C’est important de s’entourer de gens compétents et que tous partagent, dès le montage du plan d’affaires, une vision claire et commune de la future coopérative», de conclure Sonia Grewal.

 

Les coopératives brassicoles au Québec

Les vétérans

La Barberie, Québec (1997) – coopérative de travailleurs
À la fût, Ste-Tite (2005)- coopérative de travailleurs
Boquebière, Sherbrooke (2008) – coopérative de travailleurs

Les nouveaux joueurs

Le temps d’une pinte à Trois Rivières (2013) – coopérative de travailleurs
Le Baril Roulant, Val David (2013) – coopérative de travailleurs
Microbrasserie de Bellechasse (2013)- coopérative de solidarité
Le trou du diable, Shawinigan (2012)- coopérative de travailleurs

En démarrage

La ferme brassicole La Serpe D’or en Outaouais
Ma brasserie à Montréal – ouverture 2014- coopérative de solidarité
Aux Balivernes à St-Jean-sur-Richelieu